Churchill Falls: l’heure est venue d’être plus généreux, dit Terre-Neuve au Québec
HALIFAX — L’heure est venue pour le Québec de hausser la mise s’il veut renouveler le contrat d’approvisionnement en électricité de Churchill Falls avec Terre-Neuve-et-Labrador.
C’est l’ultimatum qu’a évoqué mercredi le premier ministre de Terre-Neuve-et-Labrador, Andrew Furey, au lendemain d’un entretien avec son homologue du Québec, François Legault, pour en discuter.
Les deux hommes se sont rencontrés en marge du sommet estival du Conseil de la fédération, qui réunit tous les premiers ministres des provinces et des territoires à Halifax pour trois jours.
Le contrat d’approvisionnement en électricité de Churchill Falls vient à échéance en 2041 et il est perçu comme une injustice historique par Terre-Neuve-et-Labrador, parce qu’Hydro-Québec achète de l’électricité à un tarif très bas qu’elle revend ensuite à un prix très élevé.
Les pourparlers durent depuis environ quatre ans déjà, mais Terre-Neuve-et-Labrador attend toujours que le Québec dépose une proposition plus généreuse.
«J’espère qu’il pourra mettre plus d’argent sur la table pour nous», a déclaré M. Furey en mêlée de presse mercredi matin, au dernier jour de la réunion du Conseil de la fédération.
«Nous avons fait des progrès raisonnables», a-t-il toutefois précisé, en ajoutant qu’il est encore prématuré de parler d’une entente en vue.
Il a lancé une mise en garde à son interlocuteur québécois pour mettre de la pression: le compte à rebours est en marche.
«L’heure est venue maintenant pour voir s’il y a de l’espace pour une entente», a-t-il affirmé.
M. Furey en a profité pour ajouter que sa province est en position de force dans ce bras de fer.
En effet, la centrale de Churchill Falls est stratégique pour Hydro-Québec. Elle permet de répondre à 15 % des besoins énergétiques de la société d’État… et lui rapporte le tiers de ses profits.
«N’importe qui qui s’y connaît en énergie et en génie sait que pour remplacer cette capacité de 5400 mégawatts (générée par Churchill Falls par un autre barrage), il faudrait commencer dès aujourd’hui à planter des pelles dans le sol», a-t-il affirmé, rappelant ainsi qu’il faut une bonne quinzaine d’années pour faire aboutir un projet hydro-électrique.
Dans un échange informel, un interlocuteur du gouvernement Legault avait refusé mardi de commenter la teneur de l’entretien avec M. Furey.
M. Legault avait en 2023 reconnu que Churchill Falls était «vraiment un mauvais contrat» pour les Terre-Neuviens, mais avait aussi fait valoir qu’il avait des atouts dans les négociations.
Il avait évoqué qu’il était «prêt à regarder d’autres projets». Or, on sait que Terre-Neuve éprouve de sérieuses difficultés financières dans le projet de barrage de Muskrat Falls, aussi au Labrador : sa facture s’élève maintenant à plus de 13 milliards $. Le Québec pourrait ainsi potentiellement venir à la rescousse.
Aussi, Terre-Neuve-et-Labrador projette un deuxième barrage en aval de Churchill Falls, Gull Island, et Hydro-Québec serait aussi intéressée à exploiter ce potentiel.
Mais les communautés innues sur ce territoire ont clairement fait savoir que les provinces devront d’abord s’entendre avec elles.
Ceux de Uashat mak Mani-utenam ont déposé une poursuite de 2,2 milliards $ contre Hydro concernant Churchill Falls, et ceux du Labrador réclament pour leur part 4 milliards $.
Le négociateur de la nation innue du Labrador a déjà indiqué qu’il n’y aura pas de projet à Gull Island s’il n’y a pas d’entente sur Muskrat Falls.
Un contrat avantageux
Hydro-Québec paie un tarif fixe pour l’électricité produite par Churchill Falls, soit 0,2 cent du kilowattheure, mais l’a revendue en moyenne à 8,2 cents du kilowattheure en 2022.
Selon les données d’une étude d’un comité terre-neuvien, en 2019, l’entente avait rapporté en bénéfices près de 28 milliards $ au Québec, comparativement à seulement 2 milliards $ à Terre-Neuve-et-Labrador. Le comité recommandait à T.-N.-L. de renouveler le contrat.
L’entente permet à Hydro-Québec d’acheter 85 % de l’électricité produite à Churchill Falls et donc de récolter l’essentiel des profits. Le bloc restant de 15 % sert à alimenter les clients du réseau terre-neuvien au Labrador, ou est vendu sur les marchés d’exportation.
Au fil des ans, plusieurs jugements de tribunaux ont confirmé la validité de cette entente commerciale.