Analyse sur le caribou: du réalisme sur une «campagne de peur», selon Guilbeault

MONTRÉAL — L’analyse du Forestier en chef du Québec sur l’impact qu’aurait le décret fédéral de protection du caribou sur l’industrie forestière permet de mettre un peu de lumière «sur une campagne de peur», selon le ministre de l’Environnement, Steven Guilbeault.

À l’échelle du Québec, le décret fédéral sur le caribou provoquerait une baisse de 4,1 % de la possibilité forestière, ce qui équivaut à 1,4 million de mètres cubes de bois par année, selon l’analyse publiée mardi par le forestier en chef du Québec, Louis Pelletier.

«Son analyse vient mettre un peu de réalisme dans ce débat là, dans ce qui a été jusqu’à maintenant une certaine campagne de peur de la part du gouvernement du Québec et de certains acteurs de l’industrie», a indiqué le ministre Guilbeault mercredi matin, en marge d’une conférence de presse à Montréal.

«Lorsque j’ai annoncé que le gouvernement fédéral allait de l’avant avec un décret pour la protection du caribou, le gouvernement du Québec a dit, c’est 14 millions de mètres cubes qui sont à risque. Et là, le Forestier en chef nous dit que c’est 1,4 million de mètres cubes, la différence est importante», a indiqué le ministre Guilbeault.

Québec avait effectivement évoqué, en juin dernier, une baisse de la possibilité forestière de 14 millions de mètres cubes si le décret s’appliquait à l’ensemble de l’air de répartition du caribou, mais Ottawa n’a jamais, jusqu’à présent, manifesté cette intention.

Le fédéral compte plutôt imposer un décret à Québec afin de forcer la province à protéger les caribous dans trois zones de répartition: Val-d’Or, Charlevoix et Pipmuacan.

Des consultations ont lieu jusqu’au 18 août pour préciser la portée du décret qu’Ottawa souhaite imposer à Québec.

Ce n’est pas «le monde d’Avatar»

Les entreprises forestières qui coupent des arbres dans l’habitat du caribou dans la zone de Pipmuacan, à cheval entre les régions de la Côte-Nord et du Saguenay-Lac-Saint-Jean, seraient celles qui subiraient le plus grand impact si le décret se concrétise.

Selon l’analyse du Forestier en chef, la possibilité forestière diminuerait de 790 400 mètres cubes de bois par année dans cette zone, ce qui représente près de 57 % de l’impact du projet de décret.

Depuis plusieurs années, les Innus de la région réclament des mesures concrètes pour empêcher l’industrie forestière de décimer le cheptel de caribous de la région.

Dans une lettre envoyée au premier ministre Justin Trudeau mardi, les dirigeants de la coopérative forestière Boisaco, Steeve St-Gelais et Andrée Gilbert, écrivent que la mise en place du décret représenterait une baisse des approvisionnements de l’organisation de l’ordre de 60 %.

«Ici en Haute-Côte-Nord, nous ne vivons pas dans le monde d’Avatar Monsieur le premier ministre. Chez nous, la mise en valeur du bois et de la forêt est un mode de vie, et ce, depuis de multiples générations. Cela fait partie de notre ADN. Pour nous, le travail est un droit», font valoir les dirigeants de la coopérative forestière.

Appelé à réagir aux doléances de Boisaco, le ministre Guilbeault a répondu que c’était le rôle de Québec de mettre en place une stratégie pour la protection du caribou et aussi une stratégie sur la gestion forestière.

«Par exemple, dans le cas de Boisaco, elle ne devrait pas à elle seule subir les impacts de la conservation du caribou. Pourquoi est-ce que le gouvernement du Québec ne travaille pas à s’assurer que s’il y a des impacts, ce soit équitable pour l’ensemble des entreprises?», a dit le ministre.

Le biologiste Serge Couturier, un spécialiste du caribou qui a travaillé pendant 27 ans au ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec, semble partager l’avis du ministre Guilbeault sur le sujet.

«Pourquoi parler de catastrophe économique quand on peut vraisemblablement aller chercher le bois ailleurs ou simplement ne plus le récolter dans l’habitat du caribou? Je ne prétends pas que cela sera facile pour toutes les compagnies, mais il faudra alors que le gouvernement fasse son travail d’accompagnement vers une transition économique», a indiqué le biologiste à La Presse Canadienne.

Dans un échange de courriels, le cabinet de la ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, a indiqué «prendre acte de l’analyse du forestier en chef» et ne pas avoir l’intention de «commenter à ce point-ci».