L’église d’Odelltown: théâtre d’une ultime bataille

Histoire. Le vendredi 9 novembre 1838, à 10 heures du matin, environ 700 -Frères chasseurs (Patriotes) menés par le docteur -Robert -Nelson quittent -Lacolle. Une heure plus tard, l’armée chasseur constituée de fusiliers, de lanciers et de cavaliers, dont la moitié des effectifs n’est pas munie d’armes convenables, foule le sol d’Odelltown.

Les -Patriotes s’apprêtent à entreprendre le long siège de l’église méthodiste du lieu. Dans ce temple de pierre, érigé une quinzaine d’années plus tôt, se sont barricadés environ 60 des quelque 300 -Volontaires loyaux dirigés par le -lieutenant-colonel -Charles -Cyril -Taylor qui attendent de pied ferme les rebelles.

Le mouvement insurrectionnel souhaite déloger l’ennemi, à la fois pour s’emparer de leur arsenal, mais également pour fixer ici une place forte qui leur permettra d’établir une liaison directe avec leurs sympathisants américains pouvant leur fournir armes et renforts.

Les -Chasseurs forment alors trois colonnes, chacune distancée d’environ 30 verges et respectivement commandée à gauche, par le docteur -Nelson, président de la -République du -Bas-Canada ; au centre, par le major -Médard -Hébert, notaire de -Laprairie ; et à droite, par -Charles -Hindelang (Hindenlang), un officier français, ainsi qu’Hippolyte -Lanctôt, notaire de -Saint-Rémi.

Assaut

Donnant l’assaut, deux ailes patriotes se déploient, tentant d’encercler les loyaux en coupant à travers champs et en s’élançant vers la forteresse improvisée de l’adversaire, pendant que la troisième aile demeure repliée sur la grande route.

Les -Volontaires, qui avaient tôt fait d’envoyer des messagers quérir -main-forte, rétorquent en chargeant les insurgés, notamment à l’aide d’un canon positionné devant l’église et qu’ils avaient confisqué deux jours plus tôt au -Dr -Cyrille-Hector-Octave -Côté et à ses hommes à -Bullis -Farm, non loin de -Rouses -Point.

Essuyant une pluie de projectiles, l’aile centrale patriote accuse l’impact d’un premier boulet qui, après une lente détonation, viendra frôler le cheval du major -Hébert, puis renverser la bête et son cavalier. Affolée, c’est à bride abattue que la monture s’évapora à travers champs.

Église

Retrouvant ses esprits, -Hébert intime à ses hommes de se diviser, puis de rallier les deux autres colonnes qui s’étaient alors retranchées, l’une derrière la grange d’Isaac -Smith, située face à l’église, et l’autre à l’abri d’une clôture faite de bois et de pierre et donnant sur le flanc nord du temple.

Les -Volontaires fortifiés dans l’église d’Odelltown osaient à peine s’approcher des ouvertures, ni même sortir de l’édifice pour allumer la mèche de leur canon. Désormais abandonnée, cette pièce d’artillerie constituait une cible de choix où se concentrait inévitablement le tir, souvent fatal, des -Chasseurs.

C’est finalement à travers l’embrasure des fenêtres que les loyaux, soumis au feu nourri des -Patriotes, se risquent furtivement à tirer. Ils déploraient d’ailleurs déjà la perte de plusieurs hommes, dont le capitaine -Charles -McAllister de -Sherrington, occis au moment où il opérait le fameux canon.

Traver van -Vliet

Traver van -Vliet, un officier de milice volontaire, consigna dans son journal qu’un vent faible soufflait sur -Odelltown ce -jour-là. Le temps était clément et la neige venait lourdement recouvrir les vergers jouxtant le champ de bataille, si bien que les pommiers semblaient être en fleurs.

Van -Vliet relata qu’il pouvait même suivre très distinctement la trajectoire décrite par les balles sifflantes qui, en traversant les ramures chargées de flocons, venaient déranger le poids de la neige. L’un de ces projectiles vint d’ailleurs se loger dans sa boîte de munitions, lui évitant ainsi de justesse l’infirmité ou même la mort.

Longtemps tenus en échec par l’armée chasseur abritée derrière deux remparts inespérés, des loyaux jusqu’ici retranchés dans un fossé ou comme -Van -Vliet embusqués dans les vergers environnants, réussirent à déloger les -Patriotes de l’une de leurs positions avantageuses.

Après nombre de tentatives infructueuses, les -Volontaires munis de brandons, réussirent à embraser la grange. Privés de leur protection, les -Patriotes rejoignirent leurs camarades qui combattaient à couvert derrière la clôture. Alors que l’incendie consumait la dépendance, les loyaux évacuaient leur imprenable temple pour mieux cerner les rebelles.

Hyppolite -Lanctôt

Vers 15 h 30, alors que la noirceur gagnait lentement du terrain, que la rumeur de l’arrivée des renforts en provenance d’Hemmingford et de l’Île aux -Noix résonnait et que les munitions vinrent à manquer presque totalement, les -Patriotes se virent forcés de battre en retraite.

Dans la foulée de cet affrontement, qui constituera l’ultime bataille des -Insurrections de 18371838, l’espoir patriote, déjà amenui, s’évanouit. Certains, comme -Hyppolite -Lanctôt, affirmèrent que l’un des meneurs, le docteur -Robert -Nelson aurait choisi de se soustraire subrepticement à la bataille, à peine l’engagement commencé.

D’autres avancèrent plutôt que le médecin serait allé quérir à -Champlain (New -York) des pansements et des instruments de chirurgie, afin de venir en aide aux nombreux blessés. Qu’importe, -Nelson déserta. Le président abandonna ses troupes et du même souffle le rêve ruiné de son éphémère république, pour ne jamais revenir au -Canada.

Quarante ans après les évènements, le notaire -Hyppolite -Lanctôt écrivit dans une longue lettre adressée à ses enfants que, malgré l’échec, les -Patriotes n’avaient pas combattu en vain, car : « -Les généreux efforts des -Patriotes ont donc contribué largement à la conquête des institutions libres dont nous jouissons maintenant en -Canada. »