L’église d’Odelltown célèbre 200 ans d’histoire
Patrimoine. Le 14 juin 1823, il y a près de deux siècles, l’aubergiste -Roswell -Canfield faisait don à la société et conférence méthodiste wesleyenne britannique d’un -demi-arpent sur le lot 30 de la deuxième concession sud de la seigneurie de -Beaujeu, afin d’ériger une chapelle au lieudit d’Odelltown (Lacolle).
L’église d’Odelltown, qui correspond aujourd’hui au territoire de la municipalité de Lacolle. Photo: Coup d’oeil – Archives
Notons au passage qu’Odelltown doit son appellation au -Loyaliste -Joseph -Odell (17611824), qui se verra offrir sur ce territoire une terre par le gouvernement britannique, afin d’obvier aux pertes qu’il avait encourues durant la guerre d’Indépendance américaine.
Roswell fera cependant ajouter une clause à l’acte rédigé par le notaire -Léon -Lalanne de -Frelighsburg : si d’aventure cinq ans venaient à s’écouler sans que la congrégation n’utilise ce lot ou qu’on y fasse s’y dresser un temple, la terre offerte ira de nouveau s’agréger à son lot d’origine.
Il n’en fut rien. Deux jours plus tard, les syndics responsables de l’édification de la future chapelle figuraient déjà la construction d’un bâtiment de pierre proposant 52 pieds de long sur 42 de large et s’élevant jusqu’à 21 pieds.
Le samedi 4 octobre 1823, -Richard -Jackson se rendit à -Montréal afin d’y dénicher les services d’un -maître-maçon. Le mercredi, un contrat venait lier les syndics d’Odelltown à l’-architecte-entrepreneur -John -Graves.
Jules -Romme
En 1993, dans son ouvrage -Beaujeu : -Saint-Bernard–de-Lacolle (1843), -Notre-Dame–du-Mont-Carmel (1913), -Lacolle (1920), -Jules -Romme, qui travailla d’ailleurs activement à la restauration de l’église méthodiste d’Odelltown, nous renseignait sur les différentes étapes de sa construction.
Rémunéré au prix de 7 ½ shillings par toise, une moitié en argent sonnant et l’autre en marchandises diverses, -John -Graves s’était engagé à terminer ses ouvrages le 31 juillet 1824.
Les chaînes de roches avoisinantes au chantier, si nombreuses dans la région, furent alors examinées, puis mises à profit. À la suite d’un transport laborieux, qui fut probablement le fruit d’une mémorable corvée, on débuta les fondations qui ne furent achevées que le 17 novembre.
Bancs
Un second contrat fut ensuite établi, cette fois avec -John -Wandby de -Caldwell -Mansion à qui les syndics confièrent les travaux de la charpente ainsi que différents ouvrages de menuiserie.
La rétribution de -Wandby était quant à elle composée d’un tiers de viande, d’un autre tiers en grain et d’un dernier tiers en argent. Le financement des travaux d’édification s’avéra cependant ardu.
Le 24 janvier 1825, les bancs du temple furent vendus à la criée pour une première fois. Durant l’encan, on accepta évidemment l’argent, mais également les bonnes planches qui devaient servir au parachèvement de l’église.
Le 1er juillet, l’ensemble des places avaient trouvé preneur pour l’année, les meilleures valant leur pesant d’or. On déboursait par exemple 12 shillings et 6 pennies pour un banc près de la chaire, comparativement à 4 shillings pour un siège situé non loin de la porte.
Cithare
En février 1825, l’église méthodiste d’Odelltown est enfin ouverte au culte. Il faudra cependant attendre l’année suivante, afin qu’elle puisse accueillir un premier pasteur résident, le révérend -William -Burt.
Avec son toit à deux versants droits, coiffé d’un campanile, -lui-même couronné d’une girouette, la chapelle propose une esthétique dépouillée. Pour toute ornementation, le frontispice exhibe des retours de corniches venant esquisser les traits d’un fronton.
C’est d’abord éclairés à la lueur des chandelles que les fidèles s’y réunissent. En 1836, un lustre comptant plusieurs branches vient rejoindre un décor tout en sobriété, à l’image des anciennes églises protestantes.
Le chant occupant un rôle central chez les -Méthodistes, une chorale formée dès 1834 entonnait, au son de la cithare, des airs liturgiques dans les murailles d’Odelltown. Le chœur s’adjoindra plus tard les services de -Madame -Hiram -Odell, qui viendra toucher l’harmonium que la communauté se procurait en 1859.
Devis
Les devis de construction nous renseignent par ailleurs sur l’aspect original de la chapelle. Initialement, il semble que la porte d’entrée était composée de deux battants comptant chacun six panneaux et qu’elle était surmontée d’une fenêtre palladienne.
La façade principale comportait en outre quatre fenêtres rectangulaires de trente carreaux. Quant aux murs latéraux, ils étaient percés de huit larges baies proposant soixante carreaux.
En 1867, l’édifice subissait une importante restauration. À ce moment on venait transformer les ouvertures, afin de leur offrir une forme ogivale et ainsi conférer au temple un style néogothique.
Les ouvertures furent à nouveau modifiées en 1973, pour retrouver leur forme primitive. Faute de moyens et en guise de rappel, on conserva toutefois la porte du frontispice ainsi que la baie à arc brisé qui la surplombe. Notons qu’en examinant la pierre au dos de l’édifice, elle dévoile la présence d’au moins une fenêtre rectangulaire aujourd’hui murée.
Écuries
Un autre élément d’intérêt réside dans les imposantes écuries qui viennent former une équerre derrière le temple méthodiste. Érigées en 1845, ces constructions rudimentaires abritaient jadis chevaux et carrioles, pendant que les fidèles assistaient à l’office.
Autrefois, chaque église avait ses écuries. Aujourd’hui, les anciennes dépendances de bois d’Odelltown constituent un exemple rarissime au -Québec qui témoigne d’une pratique oubliée, révolue.
Par ailleurs, il y aura 185 ans cette année que l’église d’Odelltown était le théâtre d’un évènement majeur qui viendra marquer un tournant décisif dans l’Insurrection de 1838. Le 9 novembre 1838, ce sont environ 700 -Frères chasseurs qui entreprennent le siège du temple méthodiste, là où s’étaient barricadés environ 60 des 300 -Volontaires qui attendaient les -Patriotes de pied ferme.
(La suite dans deux semaines)