Cri du cœur d’une pharmacienne: des patients impatients

SANTÉ – Marie-Michèle Ghazal, une pharmacienne qui travaille au Uniprix de Saint-Rémi, publie une lettre ouverte dans laquelle elle dénonce l’attitude de certains patients qui se montrent impatients et impolis lorsqu’ils se présentent au comptoir de prescription. Mme Ghazal rappelle que soigner les gens, ça prend du temps.

Cette dernière estime que le travail des pharmaciens est incompris par la population, ce qui pourrait expliquer la raison pour laquelle certains patients croient qu’ils peuvent être servis dans les minutes qui suivent le dépôt d’une nouvelle prescription au laboratoire.

«Les gens sont très impolis et sans raison, remarque-t-elle. On demande un délai de quatre heures pour préparer une nouvelle prescription, ce que je juge très raisonnable, mais ils se présentent souvent avant l’heure convenue en disant qu’ils passaient par là et ils se demandent pourquoi ce n’est pas prêt.»

Agressivité

Il n’est pas rare que Mme Ghazal se fasse dire par des patients que ça ne devrait pas être aussi long parce que tout ce qu’elle a à faire, c’est de compter quelques comprimés et d’apposer une étiquette sur une bouteille.

«Il y a aussi beaucoup d’agressivité au comptoir, confie Mme Ghazal. Les gens haussent le ton.»

Les employés qui travaillent au laboratoire de cette pharmacie forment une famille, estime Mme Ghazal, mais ces comportements ont pour effet de détériorer leur climat de travail.

«Nous avons une équipe hyper solide et dynamique, mais c’est difficile pour le moral et ça met de la tension entre nous, dit-elle. Je suis très consciente que tout le monde est à bout, mais s’il y a un endroit où tu ne veux pas que l’on «botche» le travail, c’est bien à la pharmacie.»

Achalandage

Cela se déroule dans un contexte où, bien qu’il y ait jusqu’à 12 personnes qui travaillent en même temps au laboratoire, dont quatre à cinq pharmaciens, cette pharmacie est très achalandée.

«On aimerait arrêter de se sentir dans un «fastfood», arrêter de se retenir d’aller aux toilettes, arrêter de se faire interrompre à tout bout de champ par une «p’tite question de deux minutes», mais qui en prend réellement quinze, poursuit Mme Ghazal. On aimerait ça que les gens impatients cessent d’alimenter ce sentiment de culpabilité d’avoir simplement… pris le temps de bien faire son travail. Je vous garantis qu’une erreur glissée dans votre commande «McDo» n’aura pas le même impact qu’une interaction entre votre nouvel antibiotique et votre pilule pour le cœur.»

Je dois lutter pour faire mon travail sans me faire presser. Je trouve ça difficile et plus le temps passe, plus c’est difficile.

-Marie-Michèle Ghazal, pharmacienne

Quoi faire pour éviter l’attente

Il y a différentes façons pour les patients d’éviter l’attente à la pharmacie.

D’abord, ils peuvent renouveler leurs prescriptions en ligne. Pour ce faire, il suffit de s’ouvrir un compte sur le site Internet de la bannière, en ayant au préalable obtenu un code d’accès en succursale.

Les patients doivent prendre l’habitude d’appeler au minimum 24 heures à l’avance pour faire préparer leur prescription.

«Le pharmacien est le professionnel de la santé le plus accessible au Québec, rappelle Mme Ghazal. On peut nous consulter gratuitement au téléphone, mais les patients ne doivent pas s’attendre à recevoir un retour d’appel en une heure. C’est normal d’attendre quelques heures.»

Les patients peuvent aussi se faire livrer leurs médicaments gratuitement, rappelle Mme Ghazal. La pharmacie ne peut cependant pas prédire l’heure précise de la livraison et le patient devra être sur place pour les recevoir.

«Enfin, quand on dit aux patients qu’on va les appeler quand leur prescription sera prête, ils ne doivent pas se présenter à la pharmacie avant d’avoir reçu notre appel. Ça ne sera pas prêt.»

Marie-Michèle Ghazal, pharmacienne.

Les étapes du traitement d’une prescription

Tout d’abord, lorsque la pharmacie reçoit une prescription, une technicienne doit appeler le patient pour savoir s’il veut la faire préparer.

«On doit rejoindre le patient pour lui poser des questions à savoir s’il est fumeur ou s’il a des allergies, par exemple, explique Mme Ghazal. On doit s’assurer que le choix de ce traitement est le meilleur pour ce patient-là.»

Par la suite, la prescription est informatisée pour la tenue de dossier.

S’ensuit l’étape de la réclamation à l’assurance. «Il y a souvent des bogues, explique la pharmacienne. Parfois, la carte n’est pas à jour ou le logiciel plante. C’est un processus qui peut être long.»

Une technicienne doit ensuite vérifier si le médicament est en stock ou si elle doit le commander. Elle compte les comprimés et les met dans un contenant, avant que le pharmacien contrevérifie la prescription.

«Le rôle du pharmacien est de contrevérifier ce que le médecin fait, insiste Mme Ghazal. Le médecin est le spécialiste du diagnostic, tandis que le pharmacien est le spécialiste du traitement. Nous devons ajuster la posologie en fonction des interactions possibles avec les autres médicaments qu’un patient prend et nous assurer qu’il n’est pas allergique au médicament prescrit. Ça arrive tous les jours que nous rappelons les médecins pour ajuster des prescriptions.»

Tout cela se fait à travers des réponses données à des patients en pharmacie et au téléphone ou encore la réception de commandes de médicaments.

«Une fois que tout cela est fait, la caissière appelle le patient pour lui dire que c’est prêt, dit Mme Ghazal. Si c’est une nouvelle prescription, le pharmacien doit parler au patient pour lui expliquer comment bien la prendre. On leur prescrit aussi parfois des analyses de sang pour suivre d’éventuelles interactions avec d’autres médicaments qu’ils prennent ou encore on fait un suivi auprès d’eux dans les semaines suivantes.»