Inondations 2011: recours collectif de 200 M$ contre Ottawa et Québec
Les gouvernements du Canada et du Québec ont fait preuve de négligence depuis plusieurs décennies en ne procédant pas à des travaux pour régulariser le cours de la rivière Richelieu. Ils doivent être tenus responsables pour une bonne partie des dommages subis par les sinistrés des inondations du printemps 2011. C’est ce que prétend Denis Dupuis, un résident du quartier Saint-Eugène, à Saint-Jean-sur-Richelieu, qui, au nom de tous les sinistrés, veut obtenir la permission d’exercer un recours collectif contre ces deux paliers de gouvernements. La requête a été déposée le 9 février. Elle est présentable devant la Cour supérieure, à Saint-Jean. La poursuite pourrait atteindre les 200 M$, selon Me Alain Arsenault, qui représente le requérant. L’écart entre la compensation touchée par les sinistrés et la valeur réelle des dommages est réclamé pour plus de 3000 sinistrés. Une réclamation pour des dommages moraux est aussi incluse à la poursuite. La requête a également pour but que les gouvernements paient les dommages non compensés que les propriétaires ont encourus à la suite des inondations des trois dernières années. De plus, le requérant veut que la cour ordonne aux deux gouvernements de procéder aux travaux nécessaires à la régularisation des eaux de crues. M. Dupuis demande aussi à être reconnu comme le représentant de toutes les personnes et des entreprises de 50 employés ou moins ayant une propriété avoisinant le Richelieu et le lac Champlain et qui ont subi des dommages et qui n’ont pas été indemnisés ou l’ont été partiellement à la suite des crues répétitives de la rivière, plus particulièrement des inondations du printemps 2011. Réclamation Domicilié sur la rue Garand, M. Dupuis n’avait jamais subi d’inondations avant la crue du dernier printemps. Il a installé cinq pompes qui ont fonctionné en permanence, il a excavé une tranchée tout le tour de la maison et a subi malgré tout de lourds dégâts sur sa propriété. Il a été évacué durant huit mois et a dû consulter à plusieurs reprises une travailleuse sociale du CLSC pour surmonter le découragement et le manque d’aide des autorités gouvernementales, relate-t-il. Il indique s’être conformé aux exigences de la municipalité et du ministère de l’Environnement pour effectuer par la suite les travaux d’immunisation de sa résidence. Il chiffre à 135 000$ le coût des travaux à ce jour, mais il ne les a pas encore terminés. Il n’a reçu que 30 000$ des 37 000$ pour de travaux approuvés. Il demande à la cour de condamner les deux gouvernements à lui rembourser tous les frais encourus et à lui accorder 50 000$ pour les dommages moraux. Fautes Il est reproché au gouvernement du Canada d’avoir été au courant du problème de la régularisation des eaux du Richelieu depuis 1887. En 1937, le gouvernement fédéral a soumis un projet de construction d’ouvrages de protection dans la rivière à la Commission mixte internationale des eaux limitrophes qui l’a approuvé. Une portion de ces travaux, soit la construction du barrage de l’île Fryers a été réalisée. Cependant l’excavation et l’élargissement du canal de la rivière n’ont pas été faits. La prétention du requérant est que le gouvernement canadien était au fait que les crues printanières continuaient à causer de graves préjudices aux résidents et aux cultivateurs riverains. Il estime que l’État fédéral a été négligent en ne mettant pas à exécution les décisions prises dès 1937. Le requérant fait état aussi des études de la Commission mixte internationale dans les années 1973 et 1975. Il cite un rapport provisoire stipulant que la régularisation des eaux était jugée désirable et réalisable par le dragage d’un chenal et la construction d’un ouvrage avec vannes de contrôle dans les rapides de Saint-Jean. Dans son rapport final de 1981, la Commission concluait qu’il était techniquement réalisable d’exploiter un tel ouvrage à vannes mobiles de façon à respecter les critères environnementaux. Mais elle était incapable de déterminer la désirabilité de l’ouvrage. La Commission recommandait toutefois l’établissement d’un système de prévision des crues et d’avertissement et demandait de procéder sans délai à l’application d’un plan de réglementation de la plaine inondable. Le député fédéral du comté de Saint-Jean, Tarik Brahmi, était présent au point de presse convoqué pour présenter la requête en recours collectif. Il a dit que leur action (en parlant des sinistrés) semblait pertinente, mais il ne pouvait se prononcer sur la requête ne l’ayant pas lue. Le lendemain, devant la Chambre des communes, il a demandé au gouvernement s’il allait agir pour éviter que les sinistrés perdent leur temps et leur argent devant les tribunaux. Une procédure qui prendra des années Les sinistrés doivent s’attendre à plusieurs années de procédures avant que le recours collectif connaisse un dénouement. Faut-il d’abord de la Cour supérieure accorde la permission d’exercer le recours. Les retraités de la Singer qui avaient intenté un recours collectif contre leur ex-employeur et un autre recours contre le gouvernement fédéral ont dû attendre 20 ans et exercer de nombreuses pressions politiques avant de fêter un règlement de tous les litiges. Le recours collectif déposé en janvier 2001 contre des compagnies d’assurances par Option-Consommateurs au nom des sinistrés du verglas de 1998 n’a été autorisé qu’en novembre 2005. L’audition au fond n’a toujours pas été entendue et pourrait avoir lieu en 2012. Dans le cas des sinistrés des inondations, un des avocats du demandeur, Me Alain Arsenault, prévoit un délai d’un an ou deux avant l’autorisation de la requête pour permission d’exercer le recours. Et si le gouvernement canadien conteste la poursuite, il pense qu’il pourrait s’écouler de six à sept ans avant d’obtenir un jugement. Permission Le recours collectif permet à une personne de faire valoir ses droits, mais également les droits des membres d’un groupe qui sont identiques. Depuis 2002, une compagnie ou une association peut faire partie d’un groupe exerçant un recours collectif pourvu qu’elle ne compte pas plus de 50 salariés. Pour obtenir la permission d’exercer le recours, le demandeur doit démontrer qu’il y a des questions similaires de droit ou de fait soulevées pour les membres du groupe, qu’il y a apparence de droit et qu’il serait peu pratique que tout un chacun présente un recours. La personne qui désire exercer un recours collectif doit obtenir préalablement le statut de représentant pour les membres du groupe. Elle doit démontrer qu’elle peut assurer une représentation adéquate du groupe. Audition Lorsqu’un recours collectif est autorisé, un avis aux membres du groupe doit être publié pour les informer des principales questions qui seront débattues et des conclusions recherchées. Me Arsenault envisage la tenue de séances d’information dans la région si cela s’avère nécessaire. Un juge est spécialement désigné pour entendre le recours collectif. Celui-ci voit à la protection des droits des membres du groupe. Si en cours de procédure un règlement hors cours ou un désistement survient, le tribunal doit l’entériner. Si le groupe obtient gain de cause et que des dommages sont accordés, le tribunal prévoit si les réclamations seront recouvrées collectivement ou à la suite de réclamations individuelles. Dans le but de favoriser l’accès à la justice, il existe un Fonds d’aide au recours collectif. La loi prévoit l’attribution d’une aide financière pour permettre l’exercice des recours qui présentent une apparence de droit. Une demande d’aide devra être présentée au nom du groupe des sinistrés des inondations.