Ottawa réduit les fonds destinés à la recherche dans les pensionnats autochtones

OTTAWA — L’Assemblée des chefs du Manitoba critique le gouvernement fédéral pour avoir réduit les fonds destinés aux recherches sur les terrains des anciens pensionnats, se disant profondément déçue et indignée.

Les communautés pouvaient auparavant recevoir jusqu’à 3 millions $ par l’intermédiaire du Fonds de soutien communautaire pour les enfants disparus des pensionnats, mais le financement sera désormais plafonné à 500 000 $.

«La décision de réduire considérablement le financement de cette initiative cruciale est non seulement décourageante, mais aussi irrespectueuse envers les survivants et les familles touchées par le système des pensionnats indiens», a déploré la grande chef adjointe Betsy Kennedy dans un communiqué.

«La recherche de la vérité et de la justice doit avancer sans nouveaux retards ni obstacles fédéraux, en particulier lorsqu’elle concerne les vies perdues de nos enfants», a-t-elle ajouté.

Les communautés ont envoyé une lettre au ministre des Relations Couronne-Autochtones, Gary Anandasangaree, demandant le rétablissement du financement antérieur.

Ottawa précise que l’ajustement du financement a été effectué afin d’adopter une «approche durable» qui fournit de l’argent au plus grand nombre possible de projets communautaires.

Dans un communiqué, le ministère des Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada indique que les ajustements de financement ne s’appliqueront pas aux accords précédemment signés et souligne les 216 millions $ mis à la disposition depuis 2021 par l’entremise du Fonds de soutien communautaire pour les enfants disparus des pensionnats.

Ce fonds a été créé à la suite du rapport de la Première Nation Tk’emlups te Secwépemc, en mai de la même année, après la découverte de 215 anomalies sur le terrain d’un ancien pensionnat à Kamloops, en Colombie-Britannique.

Les pensionnats, souvent gérés par l’Église catholique avec le soutien du gouvernement fédéral, ont été utilisés comme un outil pour assimiler les peuples autochtones à la société de colonisation, arrachant des milliers d’enfants à leurs familles et les coupant de leur culture et de leur langue.

Des dizaines de rapports datant de 1880 à 1996, lorsque ces écoles étaient en fonction, et par la suite ont mis en lumière le sort cruel des enfants dans les institutions, y compris les abus sexuels et physiques et, dans certains cas, la mort.

Ces conclusions, entre autres, sont résumées dans le rapport final de la Commission Vérité et Réconciliation, publié en 2015 après des années de témoignages de survivants, de membres de la communauté et de familles.

La commission a demandé un registre commémoratif qui analyserait les informations sur les enfants disparus et les décès, ainsi que la création d’une carte des cimetières et des lieux de sépulture.

Une «occasion manquée» pour le Canada

Mme Kennedy estime que la décision de réduire le financement sans en avoir préalablement discuté avec les dirigeants des Premières Nations est une «occasion manquée» pour le Canada de renforcer ses relations avec les peuples autochtones et de respecter leurs droits.

L’identification et la commémoration des tombes anonymes sont «essentielles pour honorer les disparus, qui méritent d’être ramenés chez eux pour reposer avec leurs proches», a plaidé l’assemblée.

«Retrouver et récupérer ceux qui sont morts alors qu’ils fréquentaient les pensionnats est essentiel à la guérison de nos nations. Il s’agit également d’une étape importante dans la reconnaissance de l’ampleur des atrocités commises dans le système des pensionnats», fait-on valoir.

La porte-parole des Relations Couronne-Autochtones, Carolane Gratton, a acquiescé que les pensionnats constituent une partie «honteuse» de l’histoire du Canada.

Elle a également souligné l’ajout de 91 millions $ d’argent frais pour le fonds, comme indiqué dans le budget déposé cette année.

Avec le nouveau modèle de financement, la priorité sera donnée aux travaux axés sur la recherche, au travail de terrain visant à identifier les sites de sépulture potentiels et à l’engagement avec les communautés qui n’ont pas encore commencé la recherche ou le travail sur le terrain.

Le Centre national pour la vérité et la réconciliation a également critiqué le gouvernement fédéral pour ses coupes budgétaires, affirmant qu’il avait rompu son engagement envers les familles et les communautés.

«Les communautés engagées dans le processus de recherche et les experts qui se sont penchés sur la question ont déclaré que le mécanisme de financement fédéral est déjà trop restrictif pour répondre correctement aux besoins du monde réel», a indiqué la directrice exécutive Stephanie Scott dans un communiqué diffusé la semaine dernière.

«Ce plafond de financement arbitraire va exactement dans la mauvaise direction en matière de réconciliation. Ce qu’il faut, c’est un financement soutenu et à long terme, basé sur des critères flexibles élaborés en collaboration avec les peuples autochtones.»