Horaire atypique et hypervigilance: certains métiers sont plus propices à l’insomnie
MONTRÉAL — Une personne sur deux au Canada connaît des symptômes d’insomnie. Cependant, certains métiers sont plus propices à l’insomnie. C’est le cas des policiers et du personnel hospitalier en raison des quarts de travail atypiques et de la vigilance qui les habite au quotidien.
La Dre Maude Bouchard, neuropsychologue et directrice de la recherche et du développement à la clinique virtuelle du sommeil HALEO, apporte une nuance entre les concepts.
On parle d’insomnie chronique lorsqu’une personne a de la difficulté à s’endormir et à rester endormie pendant la nuit. Cela doit arriver au moins trois fois par semaine et persister depuis au moins trois mois. Tandis que les symptômes d’insomnie peuvent aller et venir, mais ne sont pas un problème chronique.
Normalement, pour un adulte, on recommande entre sept et neuf heures de sommeil par nuit, mais Dre Bouchard souligne que chaque personne peut avoir des besoins différents et donc, certains peuvent sortir de cette fourchette.
Elle soutient également qu’il est tout à fait normal pour un adulte de se réveiller la nuit. «Se réveiller trois ou quatre fois si on se rendort en quelques minutes, il n’y a pas de problème. Mais si chaque fois ça nous prend une demi-heure ou une heure et qu’on se tourne dans notre lit, c’est vraiment plus problématique», mentionne la neuropsychologue.
Elle explique que dans notre cerveau nous avons une horloge biologique qui gouverne plusieurs rythmes dans notre corps, comme la fluctuation d’hormones et la température corporelle. «Chez l’humain avec un horaire régulier, tout cela fait en sorte qu’on a un signal pour dormir la nuit et un signal pour être réveillé de jour. Et ce signal se synchronise aussi avec des indices extérieurs comme la lumière», précise-t-elle.
«Quand on voit de la lumière naturelle pendant la journée, ça donne le signal à notre cerveau que c’est le temps d’être réveillé et quand la lumière diminue en soirée, c’est le contraire, ça dit au cerveau: sécrétons les hormones de sommeil pour être capable de s’endormir et de bien dormir pendant la nuit», poursuit Dre Bouchard.
Un travailleur qui se lève par exemple à 3 h du matin va à l’encontre de ces rythmes. Si son horaire est régulier, mais atypique, l’impact sur le sommeil est un peu moins important. «Mais ça va quand même être un [défi] pour l’horloge biologique parce qu’à cette heure, le cerveau envoie un signal de sommeil et on doit faire le contraire», ajoute Dre Bouchard.
En ce sens, toutes les professions qui ont des horaires atypiques vont avoir un effet sur les rythmes circadiens et cela peut créer des problèmes de sommeil. Les policiers, pompiers, infirmières, médecins, pilotes d’avion, agents de bord, camionneurs et les gens qui travaillent dans les médias sont des professions où la prévalence de symptômes d’insomnie est plus élevée que chez le reste de la population.
Le facteur de l’hypervigilance
Les policiers et le personnel hospitalier sont d’autant plus touchés puisqu’ils ont une vigilance accrue.
Selon des données scientifiques fournies par la clinique virtuelle du sommeil HALEO, les policiers ont un taux de prévalence d’insomnie cinq fois plus élevé que la population générale. De plus, les policiers ayant un sommeil de mauvaise qualité sont trois à sept fois plus susceptibles de recevoir un diagnostic d’anxiété, de dépression, de douleur chronique, de toxicomanie ou d’autres problèmes de santé mentale.
Du côté hospitalier, des études montrent que 52 % des infirmières sont diagnostiquées avec des troubles du sommeil. Dre Bouchard spécifie que d’une étude à l’autre les chiffres peuvent fluctuer, notamment en fonction des questionnaires qui sont utilisés.
Il y a aussi le facteur de l’hypervigilance qui entre en jeu. Dans le cadre de leur travail, les policiers doivent être très conscients de leur environnement. «Généralement, ils sont tellement entraînés à faire cela que malheureusement ils rapportent cela aussi à la maison», indique Dre Bouchard.
«C’est beaucoup plus difficile pour une population qui, non seulement a été entraînée à travailler à toute heure du jour ou de la nuit, mais aussi à remarquer ce qui se passe autour d’eux», dit-elle.
Pour les médecins sur appel, le fait de pouvoir se faire appeler à tout moment apporte aussi une hypervigilance et peut affecter la capacité à s’endormir ou à rester endormi pendant la nuit.
Les policiers et le personnel hospitalier sont également plus sujets à vivre des stress post-traumatiques en lien avec leur travail et cela s’accompagne de trouble de sommeil ou d’insomnie.
Solutions
Les capsules de mélatonine en vente libre dans les pharmacies sont une solution vers laquelle de plus en plus de gens se tournent. Dre Bouchard estime cependant que plusieurs ne comprennent pas bien comment cela fonctionne. «L’idée, c’est de synchroniser l’horloge biologique», mentionne la neuropsychologue, précisant que ce n’est pas un somnifère. Elle indique que les suppléments de mélatonine devraient être pris deux heures avant l’heure du coucher et elle conseille de commencer par prendre la plus petite dose généralement de 3 mg.
Il existe aussi l’option de la thérapie cognitive comportementale de l’insomnie pour les personnes aux prises avec des problèmes d’insomnie. Après avoir fait un dépistage de la qualité de son sommeil, un programme sera mis sur pied par des professionnels comme des psychologues et des travailleurs sociaux formés en sommeil et ils accompagneront le patient pendant plusieurs semaines pour régler ses troubles du sommeil.
D’autres trucs simples à appliquer à la maison peuvent aussi faire une grande différence. Dre Bouchard conseille d’enlever l’heure dans sa chambre (sans nécessairement enlever le cadran). Pour les gens qui ont de la difficulté à s’endormir ou qui se réveillent souvent, voir l’heure au milieu de la nuit ou le temps qui s’écoule peut créer du stress ou de la frustration, ce qui nous empêche de dormir.
Par ailleurs, les produits caféinés et l’alcool sont deux substances à doser avec parcimonie pour ceux qui ont de la difficulté à tomber dans les bras de Morphée. Les consommateurs de café peuvent développer une tolérance à la caféine et ingérer une quantité qui impacte le sommeil. L’alcool en soirée, particulièrement en vieillissant, fragmente le sommeil et diminue le temps de sommeil profond.
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