La cohabitation entre des toxicomanes et des résidents d’un quartier est difficile

MONTREAL — Il n’existe pas de solution facile pour une cohabitation facile entre les résidents d’un quartier et les services offerts aux itinérants ou aux toxicomanes, s’accordent des experts.

Par exemple, dans le quartier Saint-Henri, dans le sud-est de Montréal, les autorités municipales sont sur la sellette à cause de la Maison Benoît-Labre, un établissement comptant 36 logements pour d’anciens itinérants et un centre d’injection pour toxicomanes. Les résidents sont furieux parce que l’endroit est situé près d’une école. À quelques kilomètres de là, au centre-ville, un autre centre d’injection supervisé perturbe la tranquillité de la population.

La Ville a promis de mener des consultations publiques sur la façon d’intégrer des services à une population vulnérable dans le tissu urbain.

Des experts rappellent que les toxicomanes ont besoin de service comme les lieux de consommation supervisés où ils peuvent être traités en cas de surdose, sinon ils risquent de périr dans la rue.

Elaine Hyshka, de la Chaire de recherche du Canada en innovation des systèmes de santé et professeure agrégée de l’Université de l’Alberta, dit que les centres supervisés sont souvent situés dans des zones urbaines, car c’est là où les toxicomanes vivent habituellement. On ne peut pas établir ces établissements dans une partie isolée d’une ville. «La majorité des gens ne marcheront pas plus d’un kilomètre pour avoir accès à des services dans un centre supervisé», avance-t-elle.

Selon François Gagnon, scientifique principal et conseiller spécial en politiques au Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances, les centres supervisés de consommation ne devraient idéalement pas être situés près d’une école, mais ce n’est pas toujours possible dans une ville aussi densément peuplée que Montréal.

«Dans une ville aussi dense que Montréal, il est difficile de trouver quelque chose qui n’est pas éloigné d’une garderie ou d’une école», fait-il valoir.

Mais cette réalité ne console pas André Lambert, qui vit à Saint-Henri depuis 15 ans, à un pâté de maisons de la Maison Benoît-Labre. Depuis l’ouverture des nouveaux locaux, en avril, il juge que le voisinage est moins sûr.

«Les gens ont peur de vivre autour d’ici», lance-t-il. Il raconte que le dernier week-end, il a pu observer des gens fumer du crack devant son entrée.

M. Lambert souhaite la fermeture de la Maison Benoît-Fabre. Un groupe de résidents dont il fait partie a envoyé plusieurs lettres aux autorités québécoises leur demandant d’intervenir dans le dossier.

La Pre Hyshka mentionne que si plusieurs toxicomanes semblent errer autour des centres de consommation, c’est en raison d’un manque de capacité d’accueil. Ces endroits sont trop peu nombreux et trop éloignés les uns des autres, chacun attirant un grand nombre de personnes, comme le paratonnerre attire la foudre. S’ils étaient mieux répartis dans la ville, le problème serait moindre.

Et ce qui n’aide pas à résoudre ce problème, ce sont les politiciens de tous les ordres de gouvernement qui «utilisent cet enjeu pour accroître leur soutien populaire sans réfléchir aux conséquences néfastes de leurs actions», déplore-t-elle.

Julie Bruneau, de la Chaire de recherche du Canada en médecine des toxicomanies et chercheuse à l’Université de Montréal, dit que les problèmes de santé mentale, d’itinérance et de toxicomanie se sont aggravés dans les grandes villes canadiennes depuis la pandémie de COVID-19. Les centres supervisés comme CACTUS à Montréal doivent compter sur un manque de main-d’œuvre, une aide financière précaire et un manque d’espace pour accueillir un grand nombre de personnes pour qui ces services sont nécessaires.

En conséquence, la colère monte au sein des résidents qui voient leur quartier se transformer en visage de la crise sociale, souligne la Dre Bruneau qui rappelle que les services doivent être offerts là où les plus vulnérables vivent.

M. Gagnon dit que plusieurs mesures peuvent être mises en place pour prévenir la fronde de la population vivant à proximité d’un centre de consommation supervisé. Les responsables peuvent demander aux utilisateurs de ne pas sortir s’ils sont intoxiqués, organiser un nettoyage fréquent pour jeter des seringues, engager une firme privée pour maintenir la sécurité aux environs ou obtenir la collaboration de la police.