Des impacts de la panne informatique mondiale se font sentir au Canada
TORONTO — Des avions cloués au sol, des activités perturbées dans des hôpitaux, des postes frontaliers engorgés: les ennuis techniques ont continué de causer des problèmes au Canada plusieurs heures après le début d’une panne informatique ayant affecté vendredi une multitude d’entreprises et d’organisations de partout dans le monde.
L’entreprise spécialisée en cybersécurité CrowdStrike a expliqué que la panne avait été causée par une mise à jour défectueuse qu’elle a déployée pour ses utilisateurs exécutant Microsoft Windows. Elle a précisé que l’origine de la panne n’était pas une cyberattaque.
Le problème a affecté les applications et services de la suite Microsoft 365. Le géant américain a rapidement annoncé qu’il s’affairait à rétablir les services graduellement, mais les problèmes se sont poursuivis pendant plusieurs heures par la suite.
De grandes entreprises canadiennes, dont Porter Airlines et Telus, ont déclaré que leurs activités avaient été affectées. Le gouvernement et les autorités sanitaires de Terre-Neuve-et-Labrador ont signalé des perturbations, tout comme plusieurs grands hôpitaux de l’Ontario.
Brent Arnold, un avocat torontois spécialisé en cybersécurité, a parlé d’une «mise à jour logicielle qui a mal tourné».
«Il s’agit peut-être, je pense, de la plus grande panne de ce type que nous ayons vu», a affirmé Me Arnold, qui est associé au cabinet Gowling WLG.
L’Aéroport international Montréal-Trudeau et l’Aéroport international Pearson de Toronto ont tous deux prévenu que la panne pourrait entraîner des retards et des annulations de vols.
Porter Airlines reprend son service
Porter Airlines, qui avait immobilisé ses vols pendant la majeure partie de la journée en raison de la panne, a indiqué vers 15h que ses services reprenaient graduellement. Le transporteur a affirmé que les voyageurs seraient en mesure de vérifier le statut de leur vol sur le site internet et l’application dès que les systèmes seraient de retour en ligne.
À 12h30, la troisième compagnie aérienne du pays avait annulé 56 vols, soit 26 % de ses 212 décollages programmés, selon la société de données de l’aviation Cirium. Plus de 7000 clients ont été affectés et son site internet est resté indisponible jusqu’en milieu d’après-midi.
Martin Bertrand, qui devait prendre un vol Porter de Toronto vers les États-Unis pour une fin de semaine avec sa femme, était dans l’incertitude.
«Nous sommes un peu déçus que tout cela se soit produit», a-t-il déclaré lors d’une entrevue depuis l’aéroport Billy Bishop, sur l’île de la ville. «Nous sommes toujours dans le flou. Nous essayons donc de savoir s’il y a une lueur d’espoir pour nous.»
Allan Friedland, qui devait prendre l’avion de Billy Bishop à destination du New Jersey pour une réunion de famille, affirme qu’il a dû modifier sa réservation sur un vol d’Air Canada pour quitter l’aéroport international Pearson de Toronto.
«Nous devrions, espérons-le, y arriver», a-t-il déclaré.
À l’aéroport Pearson, ainsi qu’aux principaux aéroports de Montréal et de Calgary, la plupart des arrivées et des départs entre le Canada et les États-Unis ont été annulés ou reportés.
Un impact plutôt «minime» au Canada
De son côté, Air Canada a fait savoir qu’il n’y avait pas d’impact majeur sur ses opérations. WestJet a aussi indiqué que la panne n’avait aucun effet direct sur ses activités.
Les compagnies aériennes américaines figuraient parmi les transporteurs touchés, notamment United et Delta, qui ont respectivement des partenariats avec Air Canada et WestJet. Le fait que la panne se soit produite pendant la nuit signifie que moins de vols ont été affectés, les systèmes informatiques des compagnies aériennes étant de nouveau opérationnels au lever du soleil sur la côte Est.
«Si on regarde cela d’un point de vue mondial, l’impact au Canada est assez minime par rapport à ce qui s’est produit dans d’autres parties du monde», a déclaré le consultant en aviation Duncan Dee, soulignant le chaos aéroportuaire dans certaines régions d’Europe et d’Asie.
Certains voyageurs devront probablement attendre jusqu’à 72 heures avant d’atteindre leur destination, a indiqué M. Dee, «sans parler des retards continus qui en résulteront».
Les perturbations se sont étendues aux bureaux gouvernementaux, aux agences et aux soins de santé.
Le Réseau universitaire de santé, l’un des plus grands réseaux hospitaliers du Canada, a reconnu que certains de ses systèmes avaient été affectés par la panne. Dans un message publié sur les réseaux sociaux, il a précisé que l’activité clinique se poursuivait comme prévu, mais a averti que certains patients pourraient connaître des retards.
Des retards à la frontière
L’Agence des services frontaliers du Canada a déclaré avoir subi une panne partielle de son système de signalement téléphonique, principalement utilisé par les passagers de petits avions et les plaisanciers, qui a depuis été résolue.
«L’ASFC a travaillé de toute urgence avec ses partenaires et fournisseurs de services pour atténuer toute interruption et rétablir le service complet le plus rapidement possible, a soutenu sa porte-parole Jacqueline Roby, par écrit. Nous continuons de surveiller d’autres impacts potentiels. Aucun système de l’ASFC n’est affecté pour le moment.»
Plus tôt vendredi, la police de Windsor, en Ontario, a fait état de longs retards aux postes frontaliers canado-américains du pont Ambassador et du tunnel Détroit-Windsor.
Le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a quant à lui informé les «utilisateurs de ses plateformes numériques» qu’il pourrait y avoir certaines interruptions de service. L’autorité sanitaire de la province, NL Health Services, a indiqué que ses services informatiques avaient également été affectés, y compris le principal système d’information utilisé pour gérer les soins aux patients et les informations financières.
Les banques et les télécommunications affectées
Les banques canadiennes «examinent la situation en fonction des mises à jour de leurs partenaires technologiques», selon une porte-parole de l’Association des banquiers canadiens.
«Tout impact actuel sur les services bancaires serait temporaire», a ajouté Maggie Cheung.
Calvin Watt, qui a dit détenir un compte de placement auprès de RBC, affirme qu’il n’était pas en mesure d’effectuer aucune transaction vendredi matin.
«Rien ne peut passer, a-t-il souligné dans le hall d’un immeuble de bureaux du centre-ville de Toronto. Je ne parviens toujours pas à effectuer des transactions.»
Au moins un important opérateur de télécommunications canadien a déclaré que la panne avait affecté ses activités. Une porte-parole de Telus a indiqué que certains de ses employés n’étaient pas en mesure d’accéder «aux outils et systèmes nécessaires pour soutenir nos clients». L’entreprise travaillait avec «la plus grande urgence» pour remettre les systèmes en état de marche, a-t-elle déclaré.
Bell et Rogers, deux des autres grands opérateurs, ont déclaré que leurs réseaux n’étaient pas affectés.
Postes Canada dit qu’un petit nombre de bureaux de poste à travers le pays semblaient touchés par la panne, qualifiant l’impact sur les clients de «minime».
Dépendance à très peu de systèmes
Dans une déclaration publiée sur son site Web, CrowdStrike a dit travailler «activement avec les clients touchés par un défaut détecté dans une seule mise à jour de contenu pour les hôtes Windows».
«Il ne s’agit pas d’un incident de sécurité ou d’une cyberattaque. Le problème a été identifié, isolé et un correctif a été déployé», peut-on lire dans le communiqué.
Me Arnold a souligné que la panne de vendredi est un rappel saisissant de la façon dont les entreprises au Canada et dans le monde sont devenues dépendantes d’une poignée de systèmes d’exploitation.
«Nous sommes devenus plus vulnérables en raison de cette concentration sur quelques entreprises et quelques éléments technologiques vitaux, a-t-il soutenu. Il faudra probablement des jours ou des semaines avant d’avoir un portrait complet de tous les impacts.»
– Avec des informations de l’Associated Press