Les fumeurs de cigarettes sont encore stigmatisés par des mythes qui persistent

MONTRÉAL — Les personnes qui fument la cigarette ou qui consomment d’autres produits du tabac continuent d’être grandement stigmatisées dans la société. Isolement, jugement, perception de manque de volonté sont quelques conséquences qu’elles vivent.

Selon les plus récentes données de l’Institut de la statistique du Québec, la proportion des individus qui fument la cigarette tend à diminuer. Entre 2020 et 2023, elle est passée de 12 % à 11 %.

Or, il fut une époque où la composition des cigarettes était beaucoup moins addictive, a souligné Nathalie Léveillé, conseillère en cessation tabagique au CIUSSS de l’Ouest-de-l’île-de-Montréal.

«Plus les années passent, plus les compagnies de tabac rajoutent des choses pour rendre [les consommateurs] plus dépendants, dit-elle. C’est comme une drogue. Selon nos revues scientifiques, on peut maintenant comparer l’effet de la cigarette avec celui de l’héroïne et de la cocaïne. Parce que son effet se fait ressentir presque immédiatement, ce qui donne cette dépendance.»

Mme Léveillé a expliqué le cercle de la dépendance de la nicotine. «Ça prend 10 secondes une fois qu’on a commencé à inhaler le tabac de notre cigarette avant que ça se rende aux récepteurs qui déclenchent un effet libérateur de dopamine. C’est un système de récompense. Si on faisait 15 à 20 minutes d’exercice à intensité moyenne, on aurait ce même effet de bien-être», illustre-t-elle.

Le manque de volonté pour arrêter de fumer est un mythe encore trop souvent véhiculé, selon Mme Léveillé. Il y a beaucoup de stéréotypes et de jugements négatifs qui persistent à l’égard des personnes qui fument, d’autant plus qu’elles-mêmes peuvent s’autostigmatiser.

Les lois d’interdiction de fumer dans les établissements publics et les restaurants, en plus des illustrations décourageantes sur les paquets de cigarettes véhiculent le message que les gens qui fument ne font pas attention à leur santé. Ce que dénonce Mme Léveillé.

Le tabagisme est une maladie chronique traitable, mais il n’est pas pris en considération de cette manière dans le réseau de la santé. Selon la conseillère en cessation tabagique, on devrait demander à tous les patients qui entrent à l’hôpital si elles ont consommé des produits du tabac dans les six derniers mois et discuter avec eux de certaines méthodes pour cesser de fumer. On peut aussi les référer à des services d’abandon du tabagisme ou à un pharmacien communautaire.

Mme Léveillé croit que si le tabagisme était traité comme les autres maladies chroniques, plus de personnes réussiraient à arrêter de fumer lorsqu’elles entreprennent de telles démarches. «On offre un meilleur support aux gens atteints d’autres maladies chroniques, affirme-t-elle. Par exemple, pour une personne diabétique ou avec de l’hypertension, on leur offre un certain traitement et si ça ne marche pas on offre un autre traitement.»

La stigmatisation amène parfois des patients qui vont chercher de l’aide à mentir sur la quantité de tabac qu’ils consomment. «Ils disent qu’ils sont fumeurs, mais ils mentent un petit peu pour ne pas être trop jugés. C’est plus difficile pour nous de doser le traitement», indique Mme Léveillé. Cela risque d’être un traitement inadéquat puisque la quantité de produits de compensation ne sera pas suffisante.

Isolement

Par ailleurs, le statut tabagique d’une personne ne définit pas son identité. «On devrait toujours dire que c’est une personne qui fume. Ce n’est pas un fumeur», a déclaré Mme Léveillé. Autrement on renforce la stigmatisation en attribuant une étiquette de fumeur ou de non-fumeur.

La spécialiste souligne également que les personnes qui fument la cigarette savent très bien que c’est nocif pour la santé.

Selon l’Association pulmonaire du Québec, le tabagisme affecte la qualité de vie des personnes qui fument qui vivent en moyenne 10 ans de moins que les non-fumeurs.

«Le tabagisme a longtemps été sous les saines habitudes de vie, mais maintenant les recherches disent que ça devrait être traité comme une maladie chronique ou une dépendance. Ça fait que les gens qui veulent fumer, ils ne se sentent pas bons et (…) il y a encore beaucoup de personnes qui pensent que c’est un manque de volonté», dénonce l’experte.

L’isolement est une autre conséquence vécue par les personnes qui fument. Mme Léveillé a raconté qu’elle voyait beaucoup de personnes âgées au centre d’abandon du tabagisme pour qui voir grandir leurs petits-enfants est leur raison d’être. Mais souvent les petits-enfants n’aiment pas l’odeur de la cigarette dans la maison et les parents sont inquiets de l’exposition à la fumée secondaire. Ils se retrouvent ainsi isolés de leur famille.

Il existe aussi des personnes qui ne veulent pas cesser de fumer. Mme Léveillé conseille de simplement les amener à discuter, sans jugement, par exemple en demandant s’ils ont déjà tenté d’arrêter de fumer et s’ils ont obtenu de l’aide dans leur démarche.

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