Des experts recommandent plus de prévention en matière de violence conjugale

TORONTO — Toute stratégie ontarienne visant à mettre fin à la violence conjugale doit inclure davantage de programmes destinés aux hommes à risque de devenir agresseurs, un angle mort observé dans la province, ont déclaré des experts devant un comité, mercredi.

Il existe une «poignée» de services disponibles, et ils sont trop rares, a déploré Katreena Scott, directrice académique du Centre de recherche et d’éducation sur la violence contre les femmes et les enfants à l’Université Western.

«La réalité, en Ontario, est que nous vivons actuellement dans un système dans lequel, si une personne se livre à un comportement blessant, abusif ou coercitif ou risque de le commettre, il est très, très difficile de trouver et d’obtenir de l’aide.»

«En réalité, ce qui doit arriver, c’est qu’ils doivent attendre d’être impliqués dans le système de justice pénale», a souligné Mme Scott.

Le gouvernement progressiste-conservateur a annoncé ce printemps qu’il soutiendrait un projet de loi du NPD visant à déclarer la violence conjugale comme une épidémie, mais Paul Calandra, alors leader parlementaire du gouvernement, a également chargé le comité de la justice d’effectuer une étude plus large de la question. Ces audiences ont commencé mercredi.

Le tout survient près d’un an après que la province a rejeté les appels d’une enquête sur la mort de trois femmes aux mains de leur ancien partenaire, affirmant qu’elle ne pouvait pas qualifier la violence conjugale d’épidémie parce qu’il ne s’agissait pas d’une maladie infectieuse ou transmissible.

L’exemple albertain

Le jury d’une enquête du coroner sur les décès de Nathalie Warmerdam, Carol Culleton et Anastasia Kuzyk dans le comté de Renfrew en 2015 a formulé 86 recommandations visant à prévenir des tragédies similaires. L’une de ces recommandations consistait à établir une ligne d’assistance téléphonique 24 heures sur 24 pour les hommes qui ont besoin d’aide afin de les empêcher de se livrer à de telles violences, mais le gouvernement n’a pas encore donné suite à cette proposition.

Les experts du comité législatif ont cité mercredi un programme de l’Alberta comme un bon exemple de soutien à la prévention, qui offre des conseils aux hommes, une ligne d’assistance téléphonique 24 heures sur 24, des ressources en ligne et des boîtes à outils.

Lana Wells, professeure agrégée à l’Université de Calgary et chercheuse sur la violence familiale, a soutenu que les hommes sont les principaux auteurs de violence conjugale et qu’une stratégie provinciale pour y mettre fin doit inclure un soutien pour eux.

«Lorsque les hommes et les garçons peuvent s’autoréguler émotionnellement, incarner des normes et des comportements équitables entre les sexes, avoir les compétences nécessaires pour mettre fin au sexisme, à la violence en eux-mêmes et chez leurs pairs, adopter la non-violence, avoir les compétences nécessaires pour guérir, réparer et gérer les conflits, être responsables et incitent activement leurs pairs, collègues et enfants à faire de même, nous pourrons alors mettre fin à la violence avant même qu’elle ne commence», a-t-elle affirmé au comité.

«Alors, que peut faire l’Ontario pour faire progresser ce domaine ? Je pense qu’il faut vraiment se concentrer sur l’élimination du fardeau des victimes et de la victimologie et commencer à concentrer notre attention sur les personnes et les systèmes qui causent du tort», a-t-elle poursuivi.

Besoin de données

De meilleures données sont également nécessaires pour améliorer la prévention, a plaidé Mme Wells, car la plupart des recherches dans ce domaine se sont concentrées sur les victimes. Il faut davantage d’informations sur les schémas qui précèdent la violence domestique et sur les facteurs qui peuvent conduire les gens à devenir des auteurs afin de perturber ces trajectoires, a-t-elle souligné.

Le ministère de l’Enfance et des Services sociaux et communautaires a dépensé plus de 350 millions $ au cours du dernier exercice financier en services pour lutter et pour prévenir la violence fondée sur le sexe, dont plus de 10 millions $ dans des initiatives de prévention de la violence.

«Toute personne a le droit de vivre à l’abri de la peur, de l’exploitation, de l’intimidation et de la menace de violence», a écrit le ministère dans un communiqué. «C’est pourquoi notre gouvernement s’efforce de prévenir la violence conjugale avant qu’elle ne se produise.»